Le combat des salariés d'Honda "pour toute la Chine"

Publié le par CGT PHILIPS EGP DREUX

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La menace a payé : mardi 1er juin, les jeunes grévistes de l'usine Honda de Foshan - qui avaient désigné 16 représentants -, avaient suspendu leur mouvement pendant trois jours, au terme desquels ils se remettraient en grève s'ils n'obtenaient pas 800 yuans (98 euros) de hausse (soit 50 %). Après six heures de négociations, vendredi, ils ont obtenu une nouvelle hausse de salaires, qui porte à 500 yuans par mois leur prime mensuelle, soit 35 % de plus sur leur salaire de base.

"Les négociations ne sont pas terminées", explique un de ces représentants, Li Xiaojuan. Ils ont aussi décroché le droit de garder leur système de représentation des ouvriers auprès du management. "Mais nous continuons à exiger la réélection du représentant de l'ACFTU (la centrale syndicale chinoise>)dans l'entreprise", explique Li, qui ne peut "en dire plus" sur les concessions faites par les ouvriers et la suite du mouvement.

"Township"

Le conflit avait failli dégénérer. Lundi, des hommes affublés de casquettes jaunes se présentant comme adhérents aux cellules locales de l'ACFTU - liées aux autorités locales principales bénéficiaires de l'installation d'entreprises sur leurs terres - avaient tenté d'expulser de l'usine les organisateurs de la grève. Des ouvriers avaient été roués de coups. Jeudi, dans une lettre ouverte reprise sur les sites d'information chinois, les grévistes dénonçaient ces "prétendus syndicalistes" qui préfèrent recourir à la violence "au lieu de défendre les intérêts collectifs des travailleurs". Ils "espèrent que le reste de la société chinoise, comprendra" et précisent : "Nous ne nous battons pas simplement pour les droits des 1 800 ouvriers de (HONDA), mais pour celui des travailleurs de toute la Chine !"

L'immense usine d'assemblage des boîtes de vitesse pour les quatre usines chinoise du constructeur japonais, est implantée dans la "zone high-tech" Foshan, grosse ville industrielle à l'ouest de Canton - une de ces zones mi-rurales, mi-industrielles typiques du Guangdong. Partout se lisent les stigmates d'un environnement éreinté par un mode de développement désormais remis en cause : des villages, dont les habitants sont souvent rentiers, ont accueilli sur leurs terres des usines. Non loin, des agglutinements de constructions de mauvaise facture abritent des "gens de l'extérieur", ouvriers, gardiens, vendeurs et commerçants venus des provinces voisines. Les routes, souvent en travaux, sont encombrées de semi-remorques, d'engins de chantier, de triporteurs...

Toutes les huit heures, un convoi d'autobus passe le portail de l'usine Honda pour ramener les ouvriers vers leurs dortoirs. Dans la nuit de jeudi à vendredi, une équipe du soir rentre, éreintée, dans le "township" de Shishan. La plupart rejoignent leur chambre, qu'ils disent partager à huit pour 67 yuans par mois. D'autres font des passes de basket. Ou s'éparpillent autour d'estaminets servant brochettes et soupes de nouille.

Ils se confient, disent en vouloir à un système qui "ne donne aucun espoir d'avancement". Les modèles Civic et CR-V de Honda sont "très populaires en Chine". Et "les quotas de pièces à faire augmentent sans arrêt, sans compensation !". Ils s'indignent des propositions qu'on leur a faites aux premiers jours de la grève : 55 yuans seulement !

"J'ai perdu trois ans ici", regrette Wang Jianshu, qui a modifié une syllabe de son nom pour ne pas être reconnu sur Internet. L'homme de 23 ans travaille sur la chaîne des soufflets de cardan, la deuxième à s'être mise en grève après celle des boîtes de vitesse. Originaire d'une zone rurale du Guangdong, il a débuté il y a trois ans comme stagiaire à 800 yuans par mois. On l'intègre l'année suivante, avec un salaire de 1 327 yuans pour huit heures par jour six jours sur sept. "A l'ouverture de l'usine, il y avait beaucoup de gens du Guangdong. Puis ils ont démissionné, la paie était trop faible. Ils recrutent donc des stagiaires d'écoles de partout en Chine."

"On n'a pas le droit de faire plus de 36 heures supplémentaires par mois, ajoute-t-il. Je ne fume pas, je ne bois pas. J'économise entre 300 et 500 yuans par mois, mais c'est trop peu." La grève a été lancée spontanément, même si plusieurs facteurs ont pesé : lors de l'assemblée nationale populaire à Pékin, en mars, on a "entendu dire qu'il y aurait des augmentations de salaire". Début mai, les ouvriers d'un fournisseur de Honda à Zhongshan ont obtenu 100 yuans d'augmentation. "On savait bien que notre usine livre les autres sites chinois", dit Wang. S'il obtient l'augmentation souhaitée, il restera. Sinon, il partira. Comme tant d'autres.

Brice Pedroletti

Publié dans Boites en luttes

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