La stratégie du butane, l'éruption sociale s'étend

Publié le par CGT PHILIPS EGP DREUX

 

Crise. Après ceux de New Fabris dans la Vienne, les salariés lot-et-garonnais de la société JLG, spécialisée dans les nacelles élévatrices, recourent à la menace des bouteilles de gaz

L a stratégie du butane fait des émules : des salariés grévistes de l'usine JLG, spécialisée dans la fabrication de nacelles élévatrices, y ont recours depuis hier à Tonneins (Lot-et-Garonne). Ils ont entouré plusieurs nacelles de bonbonnes de gaz, en menaçant de les faire sauter si la direction américaine de l'entreprise ne verse pas une indemnité minimale de 30 000 euros aux 53 salariés (sur 166) qu'elle veut licencier.

Cette initiative imite celles qui ont été prises ces derniers jours par des salariés du sous-traitant automobile New Fabris de Châtellerault (Vienne), ainsi que chez Nortel France, où les bonbonnes ont cependant été laissées de côté hier.
La menace du butane prend le relais de la séquestration de cadres-dirigeants, qui avait notamment été employée cette année sur les sites Caterpillar de Grenoble, Molex de Villemur-sur-Tarn, en Haute-Garonne, et Sony de Pontonx, dans les Landes.

En agissant de la sorte, les salariés ne cherchent plus en général à éviter des décisions de fermeture ou de licenciements collectifs. Il s'agit le plus souvent d'obtenir des dédommagements suffisamment substantiels pour permettre de compenser en partie le drame financier, familial et social que constitue une perte d'emploi.

Souci de médiatisation

Cette stratégie est bien sûr inspirée par un souci de médiatisation : la dramatisation donne des chances d'accéder au 20 Heures des télévisions et à la une des journaux, ce qui accroît la pression sur les politiques. Mais la séquestration et les bonbonnes de gaz constituent aussi des armes ultimes pour arracher directement des concessions à ceux qui décident parfois des sorts des sites à des milliers de kilomètres de distance, et qui ne mesurent pas directement le sentiment d'injustice éprouvé par des salariés qui n'ont rien à se reprocher.

JLG Industries a, par exemple, pour actionnaire le groupe américain Oshkosh, basé dans l'État du Wisconsin. Le site Molex de Villemur-sur-Tarn dépendait jadis du groupe français Safran (Snecma, etc.) mais son sort se joue désormais dans l'État de l'Illinois, pas très loin d'ailleurs du Wisconsin, où Molex a son état-major mondial. À New Fabris, qui se trouve en liquidation, les salariés veulent faire pression sur Peugeot et Renault, qui assuraient la quasi-totalité du plan de charge et dont les baisses de commandes ont accéléré les difficultés de l'entreprise.

Territoires impuissants

Les nouveaux foyers d'éruption sociale montrent que la crise n'est pas finie et qu'on n'en a peut-être pas vu encore les dégâts les plus graves. Ils illustrent aussi l'extrême vulnérabilité d'établissements et de territoires par rapport à des jeux économiques sur lesquels ils n'ont guère de pouvoir. Largement reconverti dans l'automobile, le Nord-Pas-de-Calais est en passe de devenir une nécropole de sous-traitants du secteur, au même titre que Poitou-Charentes, frappé par les difficultés extrêmes d'Heuliez et de New Fabris.

Les désastres sociaux ne touchent pas que des filiales de multinationales, comme le montre l'exemple de l'entreprise de meubles landaise Capdevielle, qui, malgré son actionnariat luxembourgeois, peut être considérée comme une grosse PME payant son inadaptation à la mondialisation. La faillite du cuisiniste marmandais Cesa, avec 76 suppressions d'emplois, s'inscrit dans la même logique. Mais, à l'inverse, les fermetures programmées des usines SKF (roulements à bille) de Fontenay-le-Comte (Vendée), Albany (feutres de papeterie) de Ribérac (Dordogne) et Amora de Dijon, respectivement décidées en Suède, aux États-Unis et aux Pays-Bas, confirment le peu de prise de nombreux bassins d'emploi sur leur destin. Dans ces conditions, aussi répréhensible soit-il, le recours à la menace du butane est loin d'être inexplicable.

Auteur : Bernard Broustet et Julien Pellicier

 



Publié dans Boites en luttes

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