Le chômage est une marchandise comme les autres.

La volonté politique d’attendre la relance économique sans agir sur le système d’assurance chômage a de lourdes conséquences, assumées par l’ultralibéralisme ambiant. Le gouvernement en profite, en plein mois de juillet, pour annoncer la délégation massive des chômeurs au privé. Le coût sera élevé pour les caisses de l’assurance chômage gérées par Pôle Emploi, mais les profits seront importants. Les opérateurs privés se partageront un budget de 100 millions d’euros cette année et qui pourrait atteindre les 200 millions les années suivantes.Dès la rentrée, Pôle emploi va donc se lancer dans une vaste opération qui consistera à confier l’accompagnement de 320 000 chômeurs à des opérateurs privés de placement
CHristian Charpy, directeur général de Pôle emploi avait déjà vendu la mèche le 10 juillet : « Tout ce qu’on peut sous-traiter, on va le faire » (…). « Par exemple, 100 % des accompagnements de demandeurs d’emploi en difficulté se feront à l’extérieur (sauf pour le dispositif "Cap vers l’entreprise") ».
Pour remettre en perspective cette décision qui vise à mettre en concurrence le service public de l’emploi avec des opérateurs privés, il faut revenir sur la situation financière catastrophique de Pôle emploi.
Nicolas Sarkozy et le gouvernement ont joué un rôle important dans la dégradation des comptes de Pôle emploi, notamment en sous-estimant les effets de la crise. Le Medef porte également sa part de responsabilité dans l’aggravation du trou de l’assurance chômage. L’organisation patronale n’a cessé de pousser l’organisme dans l’ornière en réclamant des baisses de cotisations patronales lors des négociations sur la nouvelle convention d’assurance chômage qui se sont achevées fin 2008. Le nouvel accord conclu et signé en février par la seule CFDT aux côtés des trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA), valide ainsi le principe de baisses de cotisations patronales. Très remontée, la CGT réagit dans un communiqué : « Au moment où le patronat, dans la convention d’assurance chômage qui vient d’être négociée prévoit une baisse de la cotisation chômage pour 2009, la CGT réaffirme que l’urgence est d’accroître les ressources de l’Unedic pour assurer une indemnisation pérenne pour tous les demandeurs d’emploi ».
En pleine crise économique, l’accord prévoit que « les taux des contributions des employeurs et des salariés au financement du régime d’assurance chômage seront réduits à effet du 1er janvier et du 1er juillet de chaque année si le "résultat d’exploitation semestriel" du semestre précédent est excédentaire d’au moins 500 millions d’euros. Cette disposition pourra produire ses effets à compter du 1er juillet 2009 ». EN clair, il entérine l’impossibilité de dégager de nouvelles recettes en augmentant les cotisations patronales.
Pour trouver de nouvelles recettes, le conseil d’administration de l’assurance chômage s’engage dans la souscription d’un nouvel emprunt (jusqu’à 12 milliards d’euros) afin de « restructurer sa dette », mais aussi la creuser… « C’est une habitude », s’est empressé de justifier Laurent Wauquiez, secrétaire d'État à l’Emploi, alors que l’organisme est en train de plonger. En effet, après un exercice 2008 encore positif (+ 4,6 milliards d’euros), l’assurance chômage devrait accuser un retour de bâton spectaculaire, si l’on en croît les chiffres récents fournis par l’Unedic. En mai, la nouvelle prévision indique que la situation financière de l’assurance chômage affichera un déficit de 6,3 milliards d’euros au 31 décembre 2009 et de 10,9 milliards d’euros au 31 décembre 2010…
Une détérioration financière idéale pour passer à la vitesse supérieure dans la privatisation du service public de l’emploi.
En juin, « conforté par une inflation soi-disant faible ou nulle et prétextant les soi-disant améliorations apportées par la dernière convention Unedic en matière d’indemnisation, le secrétaire d'État à l’Emploi Laurent Wauquiez avait déclaré sur RMC que “ce n’est pas le moment” ni d’augmenter les cotisations chômage, ni de revaloriser les allocations. Les syndicats, qui demandaient 2,5 % à 3 % alors que le patronat n’avançait que 0,5 %, ont eu — difficilement — raison de ses réticences sur ce second point. Quant au taux de cotisation, il restera inchangé à 4 % du salaire brut pour les employeurs et 2,4 % pour les 16 millions de salariés affiliés jusqu’à la prochaine renégociation Unedic, fin 2010 », souligne Actuchomage.org
par Thierry Brun