Nexans : une tranche de vie.
Didier, 43 ans… et après ?
Parmi les 220 licenciés de chez Nexans, Didier parle du couperet qui est tombé, des larmes de son épouse et de l'ambition de ses filles, qui ne sera pas sacrifiée.
«Je te rends le badge. Maintenant je n'en aurai plus besoin… » Hier après-midi. Un intérimaire quitte le site de l'entreprise Nexans en passant une dernière fois devant Jean-Paul, le gardien.
Sortant derrière lui, tandis que des salariés relancent un feu de palettes de protestation contre les licenciements, Didier Dumay, 43 ans, livre son sentiment sur la fermeture de l'entreprise.
Les études des enfants…
« Je suis arrivé ici en intérim au déchargement des wagons, il y a… perpète ; puis j'ai travaillé à la tréfilerie en sous-traitance maintenance, puis à la SCCC en sous-traitance tracteurs et j'ai été embauché en 2003 aux laminoirs. »
Installé depuis dix-sept ans à Beautor avec son épouse Valérie et ses enfants, Jordan, 21 ans, Sarah, 18 ans, et Siobhan, 13 ans, Didier Dumay fait mentalement ses comptes. Il y a encore deux ans de mensualités à 600 € pour la maison plus, pour Sarah, qui débute ses études de médecine : « 900 euros par mois pour son logement, sa nourriture, etc. »
Le père dit ne pas se sentir capable de la freiner dans ses ambitions : « Je ne me vois pas lui demander d'arrêter ses études alors qu'elle a la tête pour. Je vais me serrer la ceinture, mais elle et sa sœur, qui veut suivre la même filière, iront au bout de ce qu'elles seront capables de faire… tant que je pourrai payer ». Didier Dumay sait que ce sera difficile.
Bons… et jetés
Le couperet est tombé, mais l'inquiétude était dans les esprits depuis longtemps, « dès qu'ils ont annoncé des
périodes de chômage partiel, il y a deux ans ».
L'entreprise est passée d'un système en 5/8 (cinq équipes de huit heures) au 4/8, « ce qui ne nous a pas empêchés d'être aujourd'hui le bec dans l'eau ».
Jeudi, son chef d'équipe a transmis par téléphone le résultat de la réunion du comité d'entreprise.
« Mon épouse était à côté de moi… Elle a pleuré. »
Didier Dumay évoque l'espoir qui était malgré tout jusqu'alors entretenu de voir la situation s'arranger. « On espérait une restructuration, quelque chose, en attendant, je ne sais pas, une relance… Je pensais que l'entreprise descendrait en 3/8, avec un départ des anciens et peut-être un système de remplacement des sous-traitants en interne. »
Tout cela n'était qu'illusion. La réalité a rattrapé Didier Dumay et les 220 « Nexans ».
Un autre salarié lance en passant, en même temps qu'un au revoir : « Cela ne sert à rien de pleurer sur son sort… Là, c'est calme parce que ce sont les négociations, mais après, s'il faut casser, on cassera ». Didier Dumay regarde son copain s'éloigner et, pour expliquer cette colère, ajoute : « On a un outil performant, avec la qualité, avec la quantité. On est bons… et on est jetés ! »
Désormais, qu'attendre de l'avenir ?
« Je vais me présenter à droite, à gauche, et dire : je suis lamineur… Et quoi ? On a un beau métier, mais qui ne sert à rien en dehors de ces murs !»
François FENE Source lunion.presse.fr
Par :Cyril Lazaro