A Dreux, les futurs licenciés de Philips tentent l'autogestion

Publié le par CGT PHILIPS EGP DREUX

f070ea6756.jpg(Manu Georget CGT Philips Dreux)
Dans une usine promise à la fermeture, 150 salariés ont décidé de continuer à produire "sous contrôle ouvrier" des téléviseurs, stockés comme un trésor de guerre dans un entrepôt. L'intervention de la direction a - provisoirement ? - mis fin à l'initiative.

Une utopie a duré dix jours à Dreux. Dix jours pendant lesquels l'usine Philips, où l'on assemble des téléviseurs à écran plat, a fonctionné sous "contrôle ouvrier". L'usine doit fermer en février, et la production, déjà asséchée par les plans sociaux successifs, doit être transférée en Hongrie.

Dans un bassin d'emploi bien amoché par le déclin des industries automobiles, les 212 salariés - beaucoup de femmes, beaucoup d'anciens - n'ont rien à espérer du chômage. En attendant leur lettre de licenciement, ils travaillent au ralenti et protestent de temps en temps. Jusqu'au 5 janvier où ils décident de prendre les choses en main pour de bon.
Pour prouver à Philips que l'usine peut rester là et nourrir son homme, ouvriers et cadres votent le contrôle ouvrier de la production. 147 personnes favorables, contre une multinationale hollandaise (26,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires 2008). 

Se réapproprier l'outil de travail, ça sonne bien mais ça veut dire quoi? Sans l'accord de la direction, le service des achats commande les pièces nécessaires pour 5000 télés, de quoi tenir un mois à plein régime. Seulement pas question d'expédier les télés chez les revendeurs. Le but est de mettre la pression sur le groupe. Un entrepôt vide est réquisitionné pour le stockage et les télés deviennent une monnaie d'échange. 

"On ne voulait pas être vus comme des voyous"


A la manoeuvre, Manu Georget, délégué syndical CGT. Le genre "vrai mec", balèze, râleur. Tellement râleur qu'il est "CGT-dissident", exclu depuis 2000, en même temps que militant NPA. L'autogestion, ça le travaillait depuis quelque temps. 
"Des salariés ont proposé de poser des bouteilles de gaz ou de séquestrer le patron. Ils répétaient ce qu'ils avaient vu à la télé, les Contis, les New Fabris. Sauf qu'on ne voulait pas être vus comme des voyous mais préserver nos emplois", explique-t-il. Et attirer les journalistes, lassés de la grève classique et de son éternel barbecue merguez-pneu.
Il faut dire que l'initiative a une tonalité légendaire. La référence en la matière, c'était les Lip en 1973. "On fabrique, on vend, on se paie", leur devise, a largement inspiré le mouvement. Sauf que les Philips ne vendent pas, ils confisquent. 

"Si la production sort du site, on ne la contrôle plus", rigole Manu Georget. "C'est la seule solution mais ça ne peut pas durer longtemps", soupire André, salarié depuis 36 ans. Effectivement. Au bout d'une semaine, des caristes reçoivent l'ordre de sortir les 1000 télés stockées par le personnel, pour les remettre dans le circuit, sous peine de licenciement. Ils s'exécutent. 

La désunion syndicale éclate, entre une CGT à fond dans l'aventure du contrôle ouvrier, et FO qui préfère rester tranquille en attendant que la contestation juridique du plan social porte ses fruits.   

Attendre ou poursuivre ?


Deux écoles, un désaccord majeur, des salariés hésitants. FO, forte du soutien qu'a promis le préfet, préfère en rester là sur une initiative qu'elle juge dérisoire. La CGT, soutenue par la branche métallo, le NPA et le Parti de gauche, espère faire tenir le rêve un peu plus longtemps. 

Au point que l'usine Philips devient une petite école autogestionnaire : ces derniers jours, malgré l'échec de l'opération, quelques militants (autonomes, Sud-Etudiants, NPA) sont venus voir à quoi ressemble le contrôle ouvrier en vrai. Ils apportent des fanzines, des DVD relatant des des expériences similaires poussées à leur terme en Argentine, des propositions de soutien logistique. 

L'une des solutions de sauvetage serait la reprise de l'usine par les salariés, pour en faire un site de recyclage de l'électro-ménager Philips, par exemple. A force de réfléchir au partage des bénéfices, en zappant les actionnaires de la redistribution, certains aimeraient créer une société coopérative de production (SCOP) et ancrer le projet dans la légalité. Pas certain que l'ébullition débouche sur du concret, mais à coup sûr il se passe quelque chose. 
Camille polloni
Par:les inrock 

Publié dans PHILIPS EGP

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article