Brève critique de l’Appel de la rencontre nationale de Tours du 6 novembre 2010, intitulée : « L’heure n’est pas à la résignation ! »
Les résultats de la rencontre nationale de Tours d’interpros d’une vingtaine de villes sont très décevants.
S’il est correctement indiqué dans cet Appel que « la stratégie de l’intersyndicale a été un échec pour les travailleur/ses », la conclusion n’est pas tirée qu’il s’est agi là, comme lors de tous les mouvements de classe que nous connaissons depuis des années, d’une volonté consciente des directions syndicales pour empêcher la centralisation du mouvement dans la Grève générale, seul moyen d’obtenir le retrait du projet de loi sur les retraites au moyen d’une mobilisation des masses dont le mouvement de nature politique aurait permis de balayer l’actuel gouvernement.
Au lieu de cela, les appareils qui se sont tous refusés à ouvrir la perspective de la grève générale (et même, pour celui de la CGT, de mettre le retrait du projet de loi au centre des mots d’ordre unificateurs du combat de classe), se sont prononcés pour la tenue d’AG visant à déclencher des grèves reconductibles CONTRE la grève générale.
C’était là le meilleur moyen pour les dirigeants syndicaux qui ne veulent à aucun prix rompre avec leur politique de collaboration de classe (ainsi que ceux des partis politiques se réclamant du mouvement ouvrier), de laisser chaque secteur, chaque entreprise, chaque secteur isolé sous prétexte que la « base », et elle-seule, devait décider. C’était, pour les dirigeants, refuser toute responsabilité dans la conduite du mouvement livré à lui-même sans perspective unificatrice de sa force potentielle immense.
Malheureusement, l’Appel de Tours du 6 octobre continue à préconiser la même tactique qui a conduit à l’échec du mouvement, lorsqu’il écrit qu’il faut « étendre la grève reconductible, organiser des actions de blocage » et ce, dans une situation où le gros des forces grévistes ont été contraintes de reprendre le travail du fait de cette même tactique destructrice du mouvement mise en œuvre par les appareils syndicaux. Dans un tel contexte, les actions de blocage ne peuvent avoir aucune efficacité et démobilisent les forces militantes comme le soulignent maintes interpros elles-mêmes.
De même en ce qui concerne l’appel à « des actions communes » qui ne sauraient aboutir et entrent dans la « stratégie » actuelle des dirigeants (notamment ceux de la CGT) qui se servent de ces mobilisations pour faire passer leur politique tout en se donnant le beau rôle : voir les déclarations de Bernard Thibault à la radio, dimanche matin, se félicitant des « luttes qui continuent et même des manifestations de nuit ». Tout, mais surtout pas de centralisation de la lutte de toute la classe ouvrière !
Les « actions » ponctuelles proposées par l’Appel, qui ne sont en rien mobilisatrices de la volonté des masses et des militants, ne sauraient en aucun gêner en quoi que ce soit la bourgeoisie ni les appareils soumis à la politique de la classe ennemie.
Le 11 novembre, qui est un jour de commémoration des crimes de l’impérialisme ne saurait être « détourné » de sa signification contre-révolutionnaire par le mouvement ouvrier. Proposer de brûler le texte de la loi le jour de sa promulgation est contraire à toute la tradition du mouvement ouvrier et empêche de prendre en compte les propositions faites dans la préparation de la rencontre visant à exiger des directions syndicales la prise en charge d’une manifestation ouvrière de millions ce jour-là à Paris (pour autant que cette perspective soit elle-même dans l’ordre des possibilités dans la situation actuelle). Proposer un blocage économique le 15 novembre ne peut constituer qu’une velléité d’« action » ne pouvant que couvrir la politique des directions syndicales de division et de liquidation du mouvement. Bref, un baroud d’honneur que les appareils se gardent bien de prendre en charge eux-mêmes.
Il est à craindre que l’avenir des interpros ne soit fort compromis par l’orientation qui a été définie par la rencontre du 6 novembre. La seule idée intéressante de cette initiative, celle d’une rencontre nationale de militants ouvriers, est démentie par l’insignifiance des résolutions adoptées, insignifiance qui s’explique par le refus d’affronter la politique des directions syndicales laissées maîtresses du jeu. C’est sans doute très dommage et le diagnostic peut sembler cruel, mais il ne sert à rien de masquer la réalité.
Je suis néanmoins convaincu que dans la période actuelle de réflexion qui s’ouvre, les militants ouvriers sauront tirer le bilan de la politique des appareils syndicaux et lui opposer une politique d’unification du mouvement lorsque ce dernier sera de nouveau à l’ordre du jour, ce que personne ne peut prévoir à l’heure actuelle. Pour cela, il leur faut tirer le bilan d’orientations qui ne peuvent que les laisser dans la dépendance politique des directions syndicales.
Jean Sanvoisin, le 7 novembre 2010
Observateur de la rencontre du 6 octobre pour la ville de Chinon