De l’Ultra-capitalisme à l’usine à chômeurs
Victimes du triptyque « Achat-Saucissonnage-Revente » propre aux politiques des sociétés et groupes internationaux, les salariés de a&o France SAS, comme des milliers d’autres, seront probablement les seuls à payer l’addition. Ils iront grossir les rangs de chômeurs à partir de juin 2010.
Ces politiques émiettent également la substance symbolique du travail de ceux qui restent: perte d’âme, d’identité, de valeur travail, d’esprit d’entreprendre et d’esprit d’entreprise.
L’objectif de la Direction de a&o France SAS est de liquider le plus rapidement possible le maximum d’emplois lui permettant de poursuivre l’aventure. Elle se replacera, du même coup, idéalement sur le marché en vu d’un
Plan de Cession qui lui permettra d’approcher de nouveaux acquéreurs.
Sans être devin, on peut imaginer trois sortes d’acquéreurs.
1 – ceux qui sont dans le giron, connaissent le métier et possèdent des structures similaires (un autre PSE sera probablement prévu assez rapidement à cause de structures doublons).
2 – Bis repetita : un fond de pension (ou un autre groupe d’investisseurs) rejouera la même partition avec des conséquences similaires.
3 – Des personnes étant déjà en place et connaissant la nature exacte du produit qu’ils achèteraient (par exemple: certaines personnes, qui, n’ayant pas de part dans l’entreprise, auraient donc les moyens légaux de cet achat…)
Qui est a&o France SAS ?
L’entreprise de service informatique de proximité a&o France SAS dont le siège social est à Vélizy possède deux établissements d’envergure près de Lyon et à Aix les Milles (Bouches-du Rhône), et 56 locaux dispatchés sur tout le territoire national, DOM TOM compris. a&o France SAS emploie un peu moins de 800 salariés.
Un peu d’histoire
Avant d’être racheté par Mikaël Muller, a&o France SAS se nommée EDS GFS France SAS propriété du géant américain EDS (racheté depuis par HP). L’entreprise EDS GFS France SAS est née de la fusion de deux entités LFM et Memorex. LFM a été créée par la Française des Jeux en 1978. L’entreprise Memorex France est née en 1965.
En 2006, EDS GFS France SAS absorbe la partie TFS d’EDS soit environ 150 salariés (eux aussi victimes du fameux triptyque
« Achat-Saucissonnage-Revente »).
Comment en est-on venu là ?
L’entreprise a&o France SAS fait partie du groupe a&o Europe qui a été vendu par EDS en 2006 à un investisseur allemand,
Michael Müller. Ce dernier ne pouvant faire face, tout seul, aux difficultés de gestion d’un groupe de 3000 salariés, l’a vendu en 2008 à un groupe d’Investisseurs privés nommé « ORLANDO Management » d’origine allemande. ORLANDO
Management (dont certains de leurs intérêts se trouvent au Luxembourg) investit sur des entreprises en difficultés
économique parce qu’elle ne coute pas chère, et espère les revendre, quelques années plus tard, en réalisant une plusvalue.
La politique de gestion d’ORLANDO Management n’a jamais permis aux filiales du groupe de sortir la tête de l’eau car, paradoxalement, ORLANDO Management n’investit aucun (ou très peu) argent en leur sein. Ce qui explique la faillite, la même année, de la filiale a&o Allemagne.
Une Direction peu scrupuleuse et ses fidèles alliés
La Direction d’a&o France SAS, dans la précipitation, a même fait preuve d’amateurisme en tentant d’outrepasser le cadre légal, se référant à non pas à la notion de catégorie professionnelle comme base donnée à l’ordre des licenciements mais à l’organigramme de l’entreprise. Elle souhaite profiter de ce plan pour faire peau neuve en se débarrassé des salariés qu’elle considère comme « indésirables, inutiles, gênants… » ou plus généralement, ceux qui ne rentrent pas dans son plan de continuité.
Paradoxalement, cette situation profite à une Direction « peu scrupuleuse » qui mélange allégrement plan de restructuration pour des raisons économique et structurelle, règlements de comptes et arrangements entre amis (pratiques endogènes de la dynamique du capitalisme diraient certains intellectuels).
A ces côtés, et pour parfaire son plan, elle a quelques fidèles alliés : trois organisations syndicales représentatives CFDT,
CGC-CFE et FO toujours prêtes à s’aligner et à signer, sans aucune retenue, même les brouillons que la Direction leur soumet.
Ces mêmes organisations syndicales qui, manipulant une partie des salariés leur faisant croire qu’il n’y a plus rien à faire, a un seul objectif, celui de préserver l’emploi (sans se soucier des laissés-pour-compte)… ce qui implique, implicitement, qu’elles sont prêtes à accepter tout approche machiavélique pourvu que l’entreprise poursuive son activité quitte à laisser des morts derrière elle. Certains membres du Comité d’entreprise sont également dans la même optique. Ils ne représentent pas très bien ceux qui ont exprimé leur confiance en leur attribuant leur suffrage. Mais comme vous le savez, l’acte légal n’est pas forcement légitime.
Un accord d’entreprise se prépare et sera signer à la va-vite (ce qui fait bien les affaires de la Direction) pour rendre légal « l’ordre des licenciements ». L’astuce est de prendre comme référence la structure de l’entreprise sur le plan nationale et de créer un découpage comme suit :
- déclinaison de la structure nationale aux établissements et aux régions
- passer de l’établissement aux services
- et des régions aux locaux
Ce qui permet de donner à l’ordre de licenciement un côté précis, voire chirurgical, complètement artificiel. Donc, plus apte à prendre pour cible les « indésirables, inutiles, gênants…».
Quel coup de maître ! N’est-ce pas ? … ou l’art de faire du légal en contournant la notion de catégories professionnelles sur le plan national. Catégories professionnelles qui apparaitront, tout de même (du moins, c’est comme cela qu’on nous le vendra), dans les services et locaux prédécoupés n’ayant qu’une réalité structurelle (on revient donc au point de départ, c'est-à-dire à l’organigramme) sans aucune réalité juridique.
Les conséquences
Par quoi se solde le triptyque?
233 salariés soit 30 % de l’effectif seront mis à la porte.
C’est bien connu, ce sont toujours les mêmes qui trinquent! Mais, après tout, si leur business se porte bien, pourquoi se plaindre ?!
Sans écarter la possibilité d’un second PSE, selon le périmètre qui sera reconduit ou non par la STIME d’ici la fin du mois de juin: stock/intégration, MCO, Imac/déploiements…
Et la loi dans tout ça… (Cass. Soc., 23 juin 2009, n° 07-45.668, Jarry c/ Sté Caldic Spécialités.)
Licenciement économique : le cadre d'appréciation des difficultés économiques se précise :
« Les difficultés économiques s'apprécient au niveau du secteur d'activité du Groupe auquel appartient l'entreprise.
La spécialisation d'une entreprise au sein d'un Groupe ou son implantation dans un pays différent ne suffit pas à exclure son rattachement au secteur d'activité du Groupe.
Lorsqu’une entreprise procède à des licenciements pour motif économique alors qu’elle appartient à un Groupe, l’existence des difficultés économiques doit s’apprécier dans le secteur d’activité du Groupe auquel appartient l’entreprise et non dans l’ensemble du Groupe (Cass. Soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690, Cass. Soc., 10 juillet 2002, n° 00-44.020, SA Banco de Sabadell
c/ Moret), sans qu’il y ait lieu de réduire le Groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national (Cass. Soc., 12
juin 2001, n° 99-41.571, Cass. Soc., 10 décembre 2003, n° 01-47.147, Grillot et a. c/ Sté Bostitch Simax).
En conséquence, la vérification de la réalité des difficultés économiques ne doit pas se limiter à la seule entreprise qui licencie en raison de la spécialisation de son activité ou en raison de son implantation dans un pays différent de ceux où sont situées les autres entreprises du Groupe. … La spécialisation de cette entreprise ou son implantation dans un pays différent des autres filiales du Groupe ne sont pas des éléments suffisants pour l’exclure d’un secteur d’activité commun».
A lire cet arrêt de la Cour de Cassation, ORLANDO Management propriétaire du Groupe a&o Europe et dont les filiales sont dans le même secteur d’activité, doit nous rendre des comptes…
Affaire à suivre. Pardon, affaire suivante !
BEAUREGARD Annick DC CFDT
PAUVERT Patrick RS CGT
CHOUCHANE Hamid RS SUD
--Le 24 mai 2010--