Des amendes en appel pour les six Conti

« T’es sûr qu’il n’y a pas de prison ? » Xavier Mathieu, le leader, grande gueule et gros coeur, de la lutte des « Conti » de Clairoix, se retourne vers son avocate à l’issue du jugement de la cour d’appel d’Amiens.
Les six ouvriers restent coupables du délit de dégradation de bien destiné à l’utilité publique, le 21 avril 2009 à la sous-préfecture de Compiègne.
Mais les peines de prison avec sursis, prononcées en première instance, se muent en amendes. Xavier Mathieu récolte 4 000 euros, les cinq autres 2 000 euros.
Les juges ont pris en compte le contexte social de la fermeture de l’usine de 1 120 salariés et entendu que l’explosion de rage du 21 avril dans les locaux de la sous-préfecture de Compiègne se produisit à l’annonce du rejet du référé contre le plan de licenciements.
Ont-ils également considéré la politisation du procès ? Le 13 janvier, les grands leaders des partis de gauche avaient défilé : Buffet, Mélenchon, Hamon, Duflot, Arthaud et Besancenot, encore présent hier matin à Amiens. « C’est rare de sortir d’un tribunal avec le sourire, lâche le porte-parole du NPA. C’est un vrai recul, la lutte paye, alors que ça n’était pas gagné d’avance. La lutte des ’’Conti’’ a été un tournant pour la lutte syndicale, pour la dignité ouvrière. »
À la sortie du tribunal, face à trois cents supporteurs, quelques larmes percent la carapace du blouson noir. Puis, Xavier Mathieu lève les bras : « On considère ça comme une relaxe. Je suis heureux, soulagé. J’ai eu peur jusqu’à ce matin. Le seul hic, ce sont les intérêts civils. On demande à l’État de retirer ses billes pour nous foutre la paix. »
La bataille judiciaire des « Conti » n’est, en effet, pas tout à fait terminée. Une audience civile déterminera en avril le préjudice subi par l’État. Il n’avait pas été chiffré lors de l’appel (!) mais évalué à 60 000 euros (sans factures) lors de la première instance.
Quoi qu’il arrive - ce n’est pas un détail -, les ouvriers « condamnés, mais victorieux » ne paieront pas un euro de leur poche. Une sorte de fonds de solidarité a réuni la somme de 120 000 euros avant le procès (dont 56 000 euros donnés par les autres ouvriers licenciés de Continental Clairoix).
Si ses camarades pensent à l’avenir, à retrouver un emploi, une formation, Xavier Mathieu serre ses mâchoires carrées : « J’ai vécu une histoire d’amour avec mes potes de "Conti". C’est la fin d’une lutte, mais que les ouvriers qui souffriront en 2010 le sachent, les "Conti" seront toujours derrière eux ! » Sur la place du palais de justice, face à des forces de l’ordre impassibles, des pétards explosent. Les derniers de la lutte des « Conti ».
A Amiens, Olivier BERGER
samedi 06/02/2010
La Voix du Nord