En Espagne, les syndicats bougent, et en France?
La crise et les syndicats remuent Madrid
- Antonio et Stefania, de Caceres, en Extramadure, sont venus manifester à Madrid comme des dizaines de milliers d'autres de toutes les régions d'Espagne.Ouest-France
Plusieurs dizaines de milliers de personnes venant de toute l'Espagne ont manifesté pour s'opposerà ceux qui « veulent profiter de la crise », à commencer par les banques.
Au milieu du cortège, une banda des Canaries joue un paso doble et fait danser les drapeaux rouges des Commissions Ouvrières (CCOO). Ils sont des dizaines de milliers sous un ciel bleu, Plaza de la Cibeles, au coeur de la capitale.
Ils arrivent de toutes les régions d'Espagne, mobilisés, curieusement sans grand tapage médiatique, par les deux principaux syndicats, l'UGT et les CCOO. « Il y a longtemps que j'attendais cette manifestation », se réjouit Jorge, 54 ans, ouvrier dans la plasturgie à Valence.
« Un travail digne,c'est difficile »
Mais derrière le plaisir des syndicalistes à se retrouver, c'est une Espagne blême, blafarde qui apparaît. Un taux de chômage à plus 18 %, une jeunesse en situation désastreuse (42 % des 18 à 30 ans sont sans emploi). Le dégonflement de la bulle immobilière, un des moteurs de la « bonanza économica » (le miracle économique) avec le tourisme, a poussé brutalement et massivement au chômage la main d'oeuvre employée dans la construction.
« En France et en Allemagne, en sortant de crise, les chômeurs retrouvent le secteur où ils étaient avant, analyse Rafael Pampillon, économiste à l'IE Business School. Pas en Espagne, pas dans la construction. Alors, où vont-ils travailler ? »
Après une litanie de stages, Stefania, 27 ans, de Caceres en Extramadure, vient de décrocher un emploi à 1 000 € dans la coopération internationale. « Tu peux trouver des emplois comme serveurs, sans contrat, sans papier, constate-t-elle. Mais un travail digne, c'est difficile. » Son compagnon, Eduardo, 35 ans, professeur d'histoire, tacle le pouvoir en place : « Zapatero a fait comme tous les pays capitalistes. Il a aidé les banques pour activer l'économie. Ce n'est pas la solution. »
Les banderoles insistent « Pour qu'ils ne profitent pas de la crise ». Derrière, ils sont des milliers, comme du reste dans toute l'Europe, à pointer « l'irresponsabilité »des banques qui « ont profité de l'argent des contribuables ».
« Les gens ont peur »
Eduardo, Maria, Maité et Mari, employés dans une chaîne de supermarché à Barcelone, ont entre 35 et 40 ans et gagnent de 850 à 950 €. Ils s'étranglent : « Les banquiers n'ont pas aidé les entreprises à garder les emplois. Ils n'ont pas soutenu les créateurs d'entreprises mais ceux qui ont investi chez Madoff. Zapatero n'a demandé aucune garantie. »
Ils craignent que les patrons ne rendent encore plus flexible le marché du travail. Et se désolent de l'apathie de la société « Les gens ont peur. Ils ne veulent pas perdre le peu qu'ils ont. »
Blog Cyril Lazaro