Grève des musées : l'Etat n'a rien lâché.
Au Centre Pompidou, vingt-quatre jours de fermeture complète... pour rien
Jeudi 17 décembre, la suspension de la grève a été votée au Centre Pompidou au cours d'une assemblée générale. Fermé au public depuis le 23 novembre, Beaubourg a certes rouvert ses portes, mais, le même jour, un préavis de grève a été déposé pour le 6 janvier 2010.
L'établissement pourrait-il à nouveau fermer après les fêtes de fin d'année ? Cette hypothèse est peu probable, et les fêtes de fin d'année n'ont jamais été le meilleur moment pour mobiliser le personnel, mais les syndicats veulent maintenir la pression sur le gouvernement.
"Notre objectif n'est pas que Beaubourg soit fermé pendant des semaines. Nous avons donc levé le siège, mais nous sommes désormais dans une logique de guérilla", résumait, jeudi 17 décembre, dans la soirée, Eric Daire, secrétaire de la CFDT au Centre Pompidou.
Autrement dit, le mouvement pourrait reprendre de la force en fonction des discussions qui vont s'ouvrir avec le président de l'établissement, Alain Seban, et le ministère de la culture, d'ici la fin du mois de janvier 2010. Il s'agit aussi de sortir du conflit la tête haute : "Il faut être clair, au terme de 24 jours de grève, nous n'avons rien obtenu", ajoute le secrétaire de la CFDT.
Depuis trois semaines, l'intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFTC et FSU) réclamait l'abandon de la suppression des postes prévue par la révision générale des politiques publiques. En application de la RGPP, qui prévoit de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux, Beaubourg devait théoriquement perdre vingt-six emplois en 2010. Alain Seban a obtenu que ce chiffre soit ramené à dix-huit. Mais le premier ministre n'a pas voulu aller plus loin. Les dix-huit suppressions de postes ont été actées lors du conseil d'administration du Centre Pompidou, mercredi 16 décembre.
De même, l'enveloppe de l'Etat a été reconduite à hauteur de 77,68 millions d'euros, alors que l'intersyndicale demandait sa revalorisation - la subvention n'ayant pas augmenté depuis 2003. Par comparaison, le précédent conflit à Beaubourg, à l'automne 2006, s'était soldé par la création d'une soixantaine de postes. Aujourd'hui, les agents ne cachent pas leur frustration et la direction du Centre Pompidou reste consciente que la grève peut recommencer.
C'est toute l'énigme de Beaubourg : il n'y a que dans ce temple de l'art contemporain (un musée, des spectacles vivants, une programmation cinématographique, une bibliothèque) qu'un conflit peut tenir plusieurs semaines.
Ailleurs, au Musée du Louvre, à Orsay ou à la Bibliothèque nationale de France, le mot d'ordre de grève a bien été suivi à partir du 2 décembre, mais le mouvement s'est achevé en fin de semaine dernière et les fermetures n'ont pas duré plus de quelques jours.
Beaubourg affiche, il est vrai, quelques particularités : la première est d'ordre démographique. Plus de la moitié des 1 100 agents ont plus de 50 ans et la RGPP touche davantage le Centre Pompidou que d'autres établissements culturels.
Autre explication, il suffit qu'une dizaine d'agents de sécurité se mettent en grève pour que le Centre soit fermé. L'esprit maison est solidaire et une caisse de solidarité de plus de 10 000 euros, de source syndicale, est venue aussitôt en soutien aux grévistes.
"Il y a eu quelques pics dans le mouvement : plus de 200 grévistes le 23 novembre ainsi que le 24, et même 230 le 2 décembre. Mais, les derniers jours, il n'y en avait plus qu'une quinzaine", confirme Eric Hervo, secrétaire de la CGT-culture au Centre Pompidou. "Depuis une semaine, on souhaitait rouvrir le Centre gratuitement, en mettant quelques caissiers en grève. On aurait pu sensibiliser les visiteurs avant le conseil d'administration et leur faire signer notre pétition interne, qui recueille déjà plus de 600 signataires", regrette le secrétaire de la CGT.
Mais cette proposition a été conspuée en assemblée générale et, depuis, l'intersyndicale a du plomb dans l'aile. Dernier bastion en lutte, la Bibliothèque publique d'information (BPI) était encore fermée, jeudi 17 décembre, pour le 18e jour consécutif.
Mais il semblait probable que les grévistes cessent leur mouvement à leur tour, ce vendredi 18 décembre.
Clarisse Fabre