Nouvel an amer pour deux syndicalistes de l'énergie, en grève de la faim
Yann Cochin, porte-parole de Sud-Energie, a accepté jeudi d'être hospitalisé à l'hôpital Lariboisière de Paris, à la demande d'un médecin, sa famille n'ayant pas été autorisée à visiter le local syndical qu'il occupait chez GrDF, filiale de distribution de GDF-Suez.
L'autre gréviste de la faim, René-Michel Millambourg, secrétaire du syndicat Sud-Energie Ile de France, campait toujours jeudi soir devant le siège de GrDF, rue Condorcet, dans le 9ème arrondissement, soutenu par des postiers, électriciens ou cheminots.
Tous deux réclament la réintégration de Nordine Mahroug, licencié "pour avoir participé à la grève" qui a affecté au printemps ErDF et GrDF, et "s'être exprimé à la radio, à la télévision et dans toute la presse". Sous sa tente, M. Millambourg montre un mémoire de 23 pages rédigé sur le sujet.
Nordine Mahroug, soudeur, père de deux enfants, était présenté comme une figure "très médiatique" de cette grève dans un article des Echos. Le quotidien lui consacrait le 18 mai un portrait, dans lequel il mentionnait ne gagner que 1.150 euros net par mois après 12 ans d'ancienneté.
Début juillet, GrDF entamait une procédure pour lui reprocher trois griefs, exposés dans la lettre de licenciement rendue publique jeudi par Sud-Energie, qui réfute chacun des trois.
"Il est accusé d'avoir rendu à 15H30 au lieu de 9H30 son véhicule de service, mais n'a fait que respecter la loi, après 11 heures de travail et un intervention chez un client très tard dans la nuit", dit M. Millambourg.
Par ailleurs, "l'un des clients interrogés par GrDF pour prouver qu'il aurait triché sur ses heures d'intervention, a fait deux déclarations contradictoires", entre juillet et septembre, le premier horaire indiqué étant "manifestement impossible", s'indigne le syndicaliste.
"Nous ne souhaitons pas polémiquer, il y a des voies de recours internes ou externes", a répondu GrDF à l'AFP.
Des élus de gauche et d'extrême gauche ont encouragé les grévistes de la faim, en soulignant que Yann Cochin était aussi une figure de la grève dans les centrales nucléaires du printemps dernier.
"Yann est une voix libre, qui avait posé la question des procédures de sécurité nucléaire", a souligné Vincent Gazeilles, conseiller général Verts des Hauts-de-Seine.
La grève de la faim est "un moyen de lutte syndical peu habituel, qui fait d'ailleurs débat chez nous, c'est une décision individuelle", a souligné Anne-Debrégeas, porte-parole de Sud Energie.
"Les formes de conflictualité dans l'entreprise se sont déplacées sur le plan personnel, comme une grève de la faim, qui s'expriment individuellement, c'est exactement les mêmes symptômes que les suicides chez France Télécom ou dans l'automobile, qui manifestent une grande deséspérance et une grande impuissance", a commenté le sociologue du travail Vincent de Gaulejac auprès de l'AFP.
France Télécom a comptabilisé 32 suicides de salariés depuis janvier 2008 dont 17 en 2009. Les syndicats mettent en cause le stress et la souffrance au travail générés par les réorganisations massives depuis deux ans.
"Quand vous cherchez l'action sur votre corps, sur le corps des autres ou sur votre outil de travail, pour que peut-être on vous entende et que celà s'arrête, c'est qu'il y a urgence", a de son côté déclaré à l'AFP Marie Pezé, psychanalyste et fondatrice de la consultation "souffrance et travail" à l'hôpital Max Fourestier à Nanterre.
De Nicolas THIERY (AFP)