Total: reprise des discussions sur fond de grève
Les négociations s'annoncent serrées. Outre le vote lundi après-midi, de la reconduction du mouvement de grève à Total, les salariés CGT d'ExxonMobil de Port-Jérôme (Seine-Maritime) ont bloqué mardi matin le dépôt de carburants.
Dans ce contexte, Nicolas Sarkozy a reçu le directeur général du groupe Total, ce matin avant le conseil des ministres.
Face au risque d'embrasement, le patronat du pétrole français tente de calmer le jeu
Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip, adhérente du Medef) a assuré sur BFM radio que la France disposait encore de sept à dix jours de réserve et a prié les automobilistes de ne pas céder à la panique. "Aujourd'hui, on n'a pas de pénurie, on a autant de carburant qu'on en veut. Mais c'est vrai que si cette situation se prolonge, cette situation tendue va conduire en gros à des problèmes vers la fin de la semaine prochaine", a-t-il dit.
La France possède douze raffineries, dont les six de Total où l'activité a cessé, et 2000 stations dont 132 étaient à court de carburant lundi soir. Une dizaine de dépôts sont aussi bloqués.
Un appel à la grève a également été lancé dans deux raffineries du groupe américain Exxon Mobil en Seine Maritime et dans les Bouches-du-Rhône, et à celle du groupe britannique Ineos à Lavéra, dans les Bouches-du-Rhône.
Extension de la grève au-delà de Total
Lundi, la FCE-CFDT a annoncé qu'elle demandait l'arrêt du mouvement de grève, jugeant comme une "avancée" l'annonce de la tenue avancée du CCE extraordinaire le 8 mars.
A la raffinerie Total de Feyzin, les salariés étaient divisés à propos d'une reprise du travail mais unanimement pessimistes pour leur avenir: "Si on ne se bat pas, dans vingt ans on visitera des musées sur les sites de production", résumait l'un d'eux. La raffinerie de Feyzin, dans l'agglomération lyonnaise, où la CFDT est majoritaire, avait été la première à voter une grève illimitée le 17 février. Ses salariés devaient se prononcer mardi pour ou contre la reprise du travail après que la direction eut accepté lundi, sous la pression de l'Elysée, d'avancer au 8 mars une réunion cruciale au sujet de l'avenir du site de Dunkerque, à l'origine de la grève dans les six raffineries du groupe.
La CGT déterminée
En revanche, la CGT du groupe Total, majoritaire, a indiqué lundi que la décision d'avancer au 8 mars un comité central d'entreprise était "insuffisante" pour appeler à la suspension de la grève dans les six raffineries Total de l'Hexagone. Elle a également demandé une extension du mouvement aux installations des autres groupes pétroliers. Ce qui pourrait désorganiser complètement l'approvisionnement en essence.
La CGT se réserve donc le droit d'appeler dès mercredi matin à la grève les salariés du site pétrochimique du groupe britannique Ineos de Lavéra (Bouches-du-Rhône) où elle est majoritaire, a-t-on appris après du secrétaire (CGT) du comité central d'entreprise Gérard Guerrero.
Après ceux de Dunkerque, depuis un mois, les salariés des cinq autres raffineries Total -Gonfreville-L'Orcher (Seine-Maritime), Donges (Loire-Atlantique), Grandpuits (Seine-Maritime), Feyzin (Rhône), La Mède (Bouches-du-Rhône) - sont en grève depuis mercredi à l'appel de la CGT, Sud, la CFDT et FO. Total assure environ la moitié de l'approvisionnement des stations-service françaises. La CGT d'Exxonmobil a appelé vendredi les salariés des deux raffineries du groupe, à Port-Jérôme-Gravenchon (Seine-Maritime) et Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), à se mettre en grève à partir de mardi.
Les transporteurs routiers inquiets pour l'approvisionnement
Les organisations de transporteurs routiers se sont inquiétés lundi de la grève au sein du groupe pétrolier Total, évoquant des difficultés d'approvisionnement et une augmentation des prix des carburants.
La grève occasionne "des tensions, voire dans certaines régions des difficultés d'approvisionnement", en particulier dans le grand Nord et progressivement dans l'Ouest, a déclaré à l'AFP Jean-Paul Deneuville, délégué général de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR).
L'organisation patronale constate par ailleurs une "envolée des prix", qu'elle évalue à cinq centimes supplémentaires le litre pour le gazole entre le début et la fin de semaine dernière. Les livraisons de carburant en vrac sont plus touchées encore par la grève que les stations-service, souligne Jean-Paul Deneuville. "S'il n'y a plus de carburant, il appartient aux préfectures de réquisitionner", a-t-il ajouté.
Le ministre de l'Industrie cherche à rassurer
"Il y a des mouvements d'achats dans les stations-essence depuis hier", a déclaré à Reuters Jean-Louis Schilansky, le président de l'Ufip (Union française des industries du pétrole), en estimant à sept jours les stocks disponibles. "Le gouvernement prendra des dispositions pour que la France ne soit pas bloquée", a assuré lundi le ministre de l'Industrie, Christian Estrosi. Le ministre a exigé la réouverture immédiate de négociations entre la direction de Total et les salariés, tout en demandant aux grévistes de "respecter et de ne pas prendre en otage" les Français qui travaillent.
Les déclarations
- Le PDG de Total Christophe de Margerie, reçu par le ministre de l'Industrie Christian Estrosi, a promis de compenser la très probable fermeture de la raffinerie de Dunkerque, à l'origine du conflit, en maintenant une activité industrielle sur le site. 370 salariés y travaillent, sans compter 400 à 450 personnes qui travaillent chez les sous-traitants. Aucune autre raffinerie du groupe n'est menacée de fermeture, a confirmé Christophe de Margerie. Le DRH du groupe, François Viaud, a répété dimanche qu'il n'y aurait "aucun licenciement" et a confirmé l'organisation d'une série de tables rondes, au niveau local, du groupe et au plan national, sur l'avenir du bassin de Dunkerque et du raffinage pétrolier.
- Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, a dénoncé lundi "l'irresponsabilité sociale, environnementale et industrielle de Total" et "l'irresponsabilité politique d'un gouvernement sans vision d'avenir ni politique industrielle". Pour Cécile Duflot, "il faudrait plutôt que l'Etat exige de Total que ses 8 milliards de bénéfices soient mobilisés" notamment "pour assumer ses responsabilités sociales et environnementales en maintenant aujourd'hui l'emploi dans ses raffineries", "préparer l'avenir et assurer la reconversion de ses activités et de ses salariés" ainsi qu'"investir localement dans les nouveaux secteurs de l'énergie renouvelable".